Comme toute loi imprégnée de passion et non de raison, la loi sur la rétention de sureté (du 25 février 2008) est un premier pas engagé sur un pente glissante : le médecin-policier.
Comme souvent, le décret d'application (Téléchargement du décret) est instructif. Il comporte trois volets, sur l'entrée, les soins et la sortie de détention :
- Décisions d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental
- Conséquences des refus de soins en matière de crédit de réduction de peine et de réduction supplémentaire de peine
- Avis obligatoire de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté en cas de libération conditionnelle des personnes condamnées à la réclusion criminelle à perpétuité
C'est bien le troisième point qui "collait à l'actualité", et que certains média ont soutenu avec des affaires dramatiques (en particulier le meurtre du "petit Valentin par deux psychopates", article), en cultivant un climat de peur. Il s'agit d'ajouter un étage supplémentaire dans le processus de décision de libération d'un détenu.
Le premier point pose le problème de la décision d'incarcérer dans des établissements spécialisés, sous le motif de dangerosité, une personne qui a purgé sa peine. Et ce, suite à un diagnostic d'un psychiatre qui se doit ainsi de considérer les statistiques (taux de récidive) et non uniquement le dossier médical et son analyse. La loi met le médecin face à la clameur publique, poussée par la passion de faits divers horribles. Pour être tranquille, son meilleur choix est donc le tout répressif : personne ne sort, sauf le cas extrême.
Tout celà est génant :
- Sur les acteurs : le médecin, seul, établit un diagnostique qui revient à prononcer une sentence
- Sur le principe : personne ne sort !
- Sur les rapports de force : le médecin coupable si récidive, et non le politique vis-à-vis de sa gestion des individus par la société qu'il organise.
L'équilibre entre lutte contre la récidive criminelle et liberté individuelle est un sujet sensible. Quel que soit le crime, un violeur, tueur, ou autre massacreur est à priver de liberté pour nous protéger et à prendre en charge pour le protéger. Mais c'est à la société d'assumer ce point (privation et prise en charge), avec l'aide de professionnels.
Un décret plus précis a été publié début novembre (lien) donnant des précisions sur les procédures concernant la rétention de sureté, la surveillance de sureté et le médecin coordonnateur.
S'il y aura toujours des histoires de psychopathes qui massacrent sur pulsion, il y aura toujours des médecins, pire des politiques, qui abuseront de cette possibilité d'enfermer une personne "sur ordonnance".
La communauté des psychiatres s'en émeut et tente de faire sortir le débat du cercle des experts... car il nous concerne tous. Le curseur de la loi est bien au niveau des criminels condamnés pour des peines lourdes (plus de 15 ans pour des actes précis), mais elle introduit un mode de fonctionnement dérengeant.
Une pétition pour dénoncer l'orientation que donne cette loi à la pratique de la médecine.
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